Le 27 janvier 2023 à Lomé, au Togo, nous avons annoncé l’édition française de notre nouveau rapport intitulé « Les Moteurs du changement : Pour un usage sécurisé et durable des motos en Afrique subsaharienne » en collaboration avec nos partenaires la FIA Foundation et la FIM. Ce rapport propose, pour la première fois, une étude exhaustive de tous les enjeux, aussi bien positifs que négatifs, relatifs aux motos en Afrique subsaharienne, ce moyen de transport qui transforme rapidement l’ensemble du continent.
En Afrique subsaharienne, au cours des deux dernières décennies, le nombre de motos (deux roues et trois roues) a rapidement augmenté. Cette croissance a été rendue possible grâce à la disponibilité de motos à prix abordable en provenance de Chine et d’Inde et a été générée en grande partie par l’utilisation commerciale officieuse des motos. Ainsi, les motocyclistes ont pris l’habitude de transporter des passagers et de livrer des marchandises en contrepartie d’un tarif. Nos recherches ont révélé qu’actuellement, en 2022, le nombre de motos immatriculées en Afrique est estimé à 27 millions, contre moins de 5 millions en 2010. Il est estimé que 80 % des motos sont utilisées en tant que taxis-motos pour passagers ou pour des services de livraison.
Dans de nombreux pays, les aspects économiques et sociaux ainsi que d’autres forces impactent fortement la croissance du nombre de motos à usage commercial. Nous pouvons citer, entre autre, la croissance démographique continue, l’urbanisation rapide, le mauvais état des routes, le manque d’infrastructures permettant de circuler à pied ou en vélo ainsi que les possibilités d’emploi limitées pour les jeunes hommes. Cette croissance devrait se poursuivre dans les années à venir, voire s’accélérer, avec la diffusion probable des motos dans de nouveaux pays et l’augmentation des acquisitions privées de ce moyen de transport.
Les citadins ont recours aux taxis-motos pour se rendre dans leurs magasins et bureaux, se faufilant dans les embouteillages notoires des villes africaines. Les enfants sont emmenés à l’école par l’intermédiaire de ce moyen de transport. Les agriculteurs utilisent des motos pour acheminer leurs produits vers les marchés le long des pistes cahoteuses de leur village. Les agents de santé les utilisent pour accéder aux villages reculés et les femmes enceintes sont emmenées à l’hôpital à moto.
Les motos à usage commercial ont généré des millions d’emplois à travers le continent, principalement pour les motocyclistes qui sont généralement de jeunes hommes, peinant à trouver d’autres emploi alors qu’ils sont souvent la source de revenus de leur famille. Outre les quelques 27 millions de conducteurs de taxis-motos et de livreurs à motos, des millions de propriétaires de motos, de mécaniciens et de vendeurs de pièces de rechange gagnent leur vie grâce à ce secteur.
La conduite d’un taxi-moto ou d’une moto de livraison représente un métier précaire également associé à des risques pour les passagers et les piétons. Dans certains pays africains, les décès de motocyclistes représentent plus de la moitié de l’ensemble des décès sur les routes. Au Togo, ce chiffre dépasse 70 %. Plus de la moitié de tous les enfants piétons blessés sur les routes de Dar es Salaam, en Tanzanie, sont des enfants ayant été renversés par une moto. Alors que les taux de mortalité routière diminuent dans d’autres parties du monde, ils augmentent en Afrique, en partie à cause des décès liés à la circulation en moto.
Outre le risque de blessure, il existe des impacts environnementaux, sanitaires et sociaux négatifs au sens plus large. La pollution de l’air ambiant, qui comprend la pollution des véhicules motorisés, a contribué, en 2019, à la mort de plus de 350 000 personnes en Afrique. Malgré leurs petits moteurs, les motos peuvent également causer des nuisances sonores. De plus, les motos sont parfois associées à la criminalité comme par exemple les délits mineurs de vol, les vols à main armée, le phénomène des justiciers et le banditisme ainsi que l’exploitation des passagers et des motocyclistes.
Notre programme d’action, mettant l’accent sur les opportunités prioritaires permettant de sauver des vies, améliorer les environnements et améliorer les conditions de vie se trouve dans le rapport susmentionné et comprend les éléments suivants :
- Inclure les motos dans la politique de transport sûr et durable, en coordination avec la transition des moteurs à essence aux motos électriques ;
- Introduire des normes relatives aux casques de moto, développer des installations de test et améliorer la mise en vigueur de ces normes ;
- Développer des programmes de formation de motocyclistes efficaces et abordables, en subordonnant l’octroi de licences à la formation et aux tests ;
- Rendre obligatoire les systèmes de freinage antiblocage (ABS) sur toutes les motos importées, assemblées, fabriquées et vendues.
La version française du rapport (télécharger ici) a été annoncée lors d’un événement à Lomé, au Togo, auquel ont participé des acteurs majeurs, aussi bien au niveau local qu’au niveau international.
Saul Billingsley, directeur exécutif de la Fondation FIA, a déclaré : « Avec la croissance rapide de l’utilisation de la moto, nous constatons que l’équilibre entre les vies et les moyens de subsistance se joue dans la rue. Les motos permettent de disposer d’un moyen de transport relativement bon marché, mais elles coûtent cher à la société en termes de blessures et de dommages environnementaux. Avec certaines villes africaines qui devraient doubler de taille au cours de la prochaine décennie, il devient urgent de mettre en place un programme d’action qui atténue ces impacts négatifs, en se concentrant sur la nécessité du port du casque en moto, sur l’ABS et l’électrification, tout en planifiant un avenir à faible émission de carbone rendu possible par la plus grande disponibilité de transports en commun propres. »
L’auteur principal du rapport, le directeur du programme Amend, Tom Bishop, a déclaré: « Le secteur de la moto échappe au contrôle des gouvernements, de la politique, de la législation. C’est pourquoi nous avons rédigé ce rapport, en examinant les questions de sécurité mais aussi les questions d’économie, d’électrification, de mobilité, d’accès et de planification. »
Mme Nanamolla OURO-BANG’NA, cheffe de la division du contrôle routier, représentant le Ministère des Transports Routiers, Aériens et Ferroviaires a mentionné dans son discours que « le Ministère chargé des transports œuvre inlassablement pour le renforcement de la sécurité routière conformément à la politique du Gouvernement et ce rapport permet de fournir un cadre à ce travail. »
L’annonce de ce rapport est une première étape visant à aider les pays et les communautés africaines à atténuer les risques liés à l’utilisation de la moto. Amend continuera à travailler avec les gouvernements et nos partenaires pour mettre en œuvre le programme d’action, ainsi qu’à accroître la sécurité, la durabilité et l’équité du secteur de la moto à travers le continent.